in
TCHERNOBYL, 20 ans après
Youri
I. BANDAZHEVSKY
Minsk, 2005
Traduit du russe par
Manuela Büx
Jean-Claude Gawsewitch, Editeur, 2006
Extrait p 257, 277
Nous
remercions l'auteur et l'éditeur
pour leur aimable autorisation (mai
2008)
Hypothèse
...
Je me permets de proposer l’hypothèse selon laquelle
les radionucléides perturbent les liens immunorégulateurs entre les cellules du
système immunitaire et de tous les autres organes assurant la stimulation de l’activité
de l’appareil génétique cellulaire. C’est particulièrement important lorsqu’un
gène de la paire allèle ne fonctionne pas. Pour que l’un ou l’autre caractère
soit correctement réalisé, il faut que le fonctionnement
du gène allèle restant soit renforcé. Le système immunitaire stimule leur activité
en produisant ce qu’on appelle les protéines régulatrices.
Le radiocésium, par son influence sur les cellules du système immunitaire, perturbe
ce lien et permet ainsi la manifestation phénotypique de défauts génétiques cachés.
...
Mécanismes de la perturbation de l’activité cardiaque chez les habitants du territoire touché par la catastrophe
de Tchernobyl
Introduction:
Les
maladies cardio-vasculaires sont les causes les plus importantes de mortalité
et d’invalidité de la population de la République de Biélorussie.
On
les rencontre tout particulièrement chez les habitants de l’oblast de Gomel, celui
qui a le plus souffert de la catastrophe à la centrale électrique nucléaire de
Tchernobyl. Ce qui attire l’attention, c’est la fréquence élevée des perturbations
fonctionnelles de l’activité cardiaque chez les enfants [1,2].
Dans
la pathogenèse des maladies cardiovasculaires, nous avons pu mettre en évidence
le rôle d’un des radionucléides les plus répandus dans notre environnement: le
Cs-137 (radiocésium). Il entre dans l’organisme par
voie alimentaire et est incorporé dans des organes vitaux, y compris le myocarde.[6]
L’auteur,
en collaboration avec l’institut médical de Gomel (qu’il dirigeait entre 1990
et 1999) a étudié en clinique et lors d’expériences les processus pathologiques
qui apparaissent dans l’organisme à la suite de l’incorporation du radiocésium.
Les
résultats de ces recherches ont été présentés dans une série de publications [2-8].
Elles montrent que lorsque le radionucléide pénètre dans l’organisme par l’alimentation,
c’est le système cardio-vasculaire qui est soumis aux plus fortes perturbations.
Les
mécanismes de l’action du radiocésium ne sont pas entièrement déterminés; cela
nous oblige à reprendre la discussion des données proposées auparavant.
Il
faut savoir qu’à part le Cs-137, d’autres radionucléides de courte ou de longue
vie ont eu, et continuent à avoir, une influence essentielle sur l’organisme des
gens vivant sur les territoires touchés par la catastrophe de Tchernobyl. Par
exemple, le plomb qui a été utilisé pour éteindre l’incendie du 4ème réacteur. On en a pulvérisé d’énormes quantités sur des dizaines de kilomètres
autour de la centrale.
Il
est dès lors extrêmement difficile d’isoler l’action pathogène du radiocésium
uniquement, sans tenir compte des autres toxiques et radionucléides.
Dans
cet article, nous allons analyser les résultats des recherches cliniques réalisées
par les membres de l’Institut médical de Gomel, et publiés en 1995 dans le livre
Aspects clinico-expérimentaux de l‘influence sur l ‘organisme des radionucléides incorporés.
Discussion
Les
enfants de 3 à 7 ans vivant à Gomel ont constitué le groupe clinique de base.
Le groupe de contrôle était composé d’enfants du même âge provenant de la ville
de Grodno[2].
La
teneur moyenne de Cs-137 dans l’organisme des enfants des deux groupes était similaire,
respectivement 30,32 ± 0,66 Bq/kg et 29,74 ± 0,67 Bq/kg.
Dans
chaque groupe, trois sous-groupes, chacun avec une concentration précise de radionucléide
dans l’organisme 11,0-25,9
Bq/kg, 26,0-36,9 Bq/kg et 37,0-74 Bq/kg.
Lors
d’une concentration de 11-25,9 Bq/kg, la fréquence des perturbations de l’électrocardiogramme
dans les deux groupes était d’environ 60%, dont 40 % de perturbations de la conduction de l’influx
électrique.
Quand le taux de radiocésium augmente,
la fréquence des perturbations électrocardiographiques
augmente également (schéma 1, 2). Dans le groupe de base (ville de (Gomel), l’augmentation
de la fréquence des perturbations de l’ECG est liée à la perturbation de la conduction
intracardiaque (la différence entre le 1er et le 3ème sous-groupe était de 20 %).
Schéma 1
Fréquence des modifications électrocardiographiques
chez les enfants des villes de Gomel et de Grodno (%)
Groupe 1: accumulation de radiocésium
dans l’organisme : 11-25,9
Bq/kg
Groupe 2 : accumulation
de radiocésium dans
l’organisme 26-36,9 Bq/kg
Groupe 3 : accumulation de radiocésium dans l’organisme
: 37-74,0 Bq/kg
Schéma 2
Fréquence des perturbations
de la conduction intracardiaque chez les enfants des villes de Gomel et de Grodno
(%)
Groupe
1 : accumulation
de radiocésium dans
l’organisme: 11-25,9 Bq/kg
Groupe 2 : accumulation
de radiocésium dans l’organisme : 26-36,9 Bq/kg
Groupe 3 : accumulation
de radiocésium dans l’organisme: 37-74,0 Bq/kg
Dans
le groupe de contrôle (ville de Grodno), l’augmentation de la fréquence des perturbations
de l’ECG est liée aux changements métaboliques, alors qu’un nombre relatif de
perturbations de la conduction intracardiaque a même tendance à diminuer. Auprès
des enfants de ce groupe, la fréquence la plus faible des perturbations de la
conduction intracardiaque a été enregistrée lors d’une concentration en radiocésium
de 36,9-74,0 Bq/kg dans 30 % des cas, alors que chez les enfants du groupe de
base, à même concentration de ce radionucléide, la fréquence de ce type de perturbations
était de plus de 60 %.
Ainsi
donc, indépendamment de la hausse des perturbations de l’ECG parallèle à l’augmentation
de la quantité de radiocésium dans l’organisme, on constate dans chacun de ces
groupes une augmentation du nombre de processus pathologiques différents du point
de vue de leur contenu qualitatif
L’augmentation
du nombre d’enfants atteints de perturbations de la conduction intracardiaque
dans le groupe de base indique la présence de sérieux changements dans les processus
de dépolarisation des membranes cytoplasmiques des cellules du système conducteur
du coeur. Les causes doivent être cherchées dans la perturbation des mécanismes
énergétiques et de la structure des membranes elles-mêmes.
On
sait que l’ATP d’origine glycolytique est consommée essentiellement dans les pompes
à cations lors de la formation du potentiel de repos ainsi que lors du développement
du potentiel d’action dans les cellules du myocarde. Son déficit conditionne une
diminution du potentiel d’action et est accompagné de perturbations du rythme
cardiaque. L’ATP, qui se forme dans le cycle mitochondrial de Krebs, est aussi
utilisé pour les besoins mentionnés plus haut. Les deux cycles énergétiques se
complètent malgré leurs puissances incomparables.
Après
avoir déjà entravé sa capacité à conduire l’influx électrique, on peut déséquilibrer
l’état physiologique de la membrane cytoplasmique du cardiomyocyte en perturbant
les deux cycles : celui de la glycolyse et celui de la respiration aérobie.
Les
recherches que nous avons effectuées auparavant ont montré que l’incorporation
du radiocésium dans l’organisme de l’homme et des mammifères mène à la perturbation
du cycle énergétique mitochondrial. Il fait brusquement chuter l’activité de la
créatine phosphokinase en diminuant l’intensité de l’échange des protéines avec
une prédominance des processus cataboliques sur les processus anaboliques structurels
enregistrés dans les mitochondries témoignent également de la détérioration profonde
du cycle de Krebs, la source essentielle de l’énergie cellulaire.
En
analysant la capacité de différents facteurs qui se trouvaient dans la zone de
l’accident d’influencer les processus énergétiques. On peut affirmer que le deuxième
facteur participant à l’induction des perturbations de la conduction de l’influx
cardiaque est le plomb.
Comme
le souligne le professeur V. B. Nestérenko, pour éteindre I’ incendie dans le
réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl, on a déversé entre 2 400 et 6
720 tonnes de plomb par hélicoptère, ce qui a entraîné une importante pollution
de la biosphère.
L’herbe
absorbe le plomb de la manière la plus intense. Les organes génératifs des céréales
(le grain) l’absorbent également, mais à un niveau beaucoup moins important que
les organes végétatifs des cultures fourragères.
Une
triple augmentation de plomb dans le sol permet une augmentation de 15 à 75 %
de sa teneur dans le grain des céréales, de 190 à 340 % dans la p? . Cela a été
enregistré dans les régions de Gomel et de Vétkovski, de l’oblast de Gomel, où
la quantité de ce métal dans les plantes fourragères dépassait de 1,5 à 3,2 fois la norme sanitaire.
L’augmentation
de la teneur en plomb dans la ration alimentaire des animaux entraîne une augmentation
de son accumulation dans le lait et dans des organes internes, comme les reins
et le foie, et aussi dans les tissus musculaires et le sang.
De
cette façon, le lait et la viande bovine sont pour l’homme
des sources de plomb, comme de radiocésium, cela dit. Les recherches entreprises
par N. A. Gresse et ses coauteurs ont démontré
que le nombre le plus élevé d’enfants présentant une grande
quantité de plomb dans le sang (plus de 100 mg/g) a justement été enregistré dans
l’oblast de Gomel.
Le
plomb est un poison polytrope qui perturbe considérablement l’échange des éléments
dans l’organisme.
Son
action toxique est liée à de nombreuses réactions intracellulaires dépendantes
du calcium, à l’apparition des radicaux d’ions libres, au blocage de l’activité
de nombreuses enzymes.
On a enregistre les effets mutagènes
du plomb sous forme de cassures d’un brin d’ADN, de la répression de la réparation
de l’ADN, de la diminution de la stabilité de la synthèse de l‘ADN.
Lors d’un empoisonnement au plomb,
on remarque que celui-ci bloque les groupes sulfhydryles des enzymes de la synthèse
de protoporphyrines (acide aminolévulinique déshydrase, décarboxylase d’uroporphyrinogènes,
hème synthase). La formation d’enzymes comme la catalase,
la peroxydase, le cytochrome, l’hème et naturellement l’hémoglobine, est perturbée.
On peut confirmer l’influence du
plomb sur l’échange des hormones stéroïdes en se fondant sur le fait qu’il perturbe
la synthèse des porphyrines composant le cytochrome P-450, qui lui-même participe
à la synthèse des hormones stéroïdes sur la base des transformations du cholestérol.
L’influence du plomb sur le système érythrocytaire met en évidence
sa capacité à perturber le cycle énergétique anaérobie, étant donné que les cellules
du sang, les érythrocytes, utilisent l’énergie de la glycolyse.
Pendant ce processus, le plomb se fixe aux membranes des érythrocytes, perturbe
l’activité de la Na-K-ATPase, ce qui mène à la diminution
du niveau de potassium et à l’augmentation de la teneur
en sodium dans les cellules données. Ce dernier conditionne le gonflement et la
glycolyse.
Il
se peut qu’à la base de ce processus, on trouve une répression de la formation
d’énergie dans le cycle glycolytique.
De
cette façon, en perturbant l’approvisionnement énergétique des pompes ioniques
ATPase des membranes cellulaires, le plomb induit la destruction des cellules.
La
diminution de la quantité de cortisol (shéma 3) dans
le sang chez les enfants de Gomel, par rapport aux enfants de Grodno, confirme
également la présence de plomb dans leur organisme. Celui-ci perturbe la stéroïdogenèse
dans les glandes surrénales, ce qui se répercute, sans aucun doute, sur beaucoup
de fonctions principales de l’organisme.
Schéma
3
Teneur en cortisol dans le sérum du sang des enfants des villes
de Gomel et Grodno (nmol/l)
(groupe 1 : concentration
de radiocésium dans l’organisme: 11-25,9 Bq/kg
(groupe 2 : concentration
de radiocésium dans l’organisme : 26-36,9 Bq/kg
(groupe 3 : concentration de radiocésium dans l’organisme :
37-74,0 Bq/kg
Une
faible quantité de cortisol, combinée à un faible taux de glucose dans le sang
(schéma 4), entraîne un travail insuffisant de la glycolyse dont l’énergie est destinée à la pompe Na-K, précisément de la Na-K-ATPase,
de la membrane cytoplasmique du cardiomyocyte.
Schéma 4
Teneur en glucose dans le
sérum du sang des enfants des villes de Gomel et (Grodno (nmol/I)
Groupe
I : concentration de
radiocésium dans l’organisme: 11-25,9 Bq/kg
Groupe 2 : concentration dc radiocésium dans l’organisme: 26-36,9
Bq/kg
Groupe 3 : concentration de radiocésium
dans l’organisme : 37-74,0 Bq/kg
La
diminution du niveau de cortisol conduit également à la perturbation de la formation
des acides gras libres, un substrat énergétique essentiel du cycle cellulaire
: le cycle de Krebs.
On
ne peut toutefois pas ignorer l’influence directe et néfaste du radiocésium sur
cette source fondamentale d’énergie localisée dans les mitochondries.
Ainsi,
l’influence combinée du radiocésium et du plomb sur l’organisme et le déficit
d’énergie qui s’ensuit conduisent à la perturbation du
courant transmembranaire des ions, et donc du potentiel d’action. La transmission
de l’impulsion électrique dans le coeur s’en trouve perturbée. Apparaît alors
une situation semblable à celle que nous avons enregistrée auprès des enfants
de la ville de Gomel et des régions avoisinant la centrale électrique nucléaire
de Tchernobyl.
Le
plomb participe également à la perturbation des échanges des hormones de la glande
thyroïde. Les schémas 5 et 6, publiés dans la monographie sus indiquée, font état
des différences importantes entre la teneur en triiodothyronine et en thyroxine
dans le sang des enfants de Gomel et de Grodno. Compte tenu des rapports réciproques
complexes et des liens régulateurs, on peut parler ici d’une lésion du système
enzymatique qui participe à la formation de la triiodothyronine à partir de la
thyroxine. Ce processus est contrôlé par la sélénoprotéine déiodinase de type
1 des cellules des tissus périphériques : il exige de grandes dépenses d’énergie
conditions pour une augmentation de la thyroxine dans le sang.
Pour
confirmer le rôle essentiel de la déiodinase dans la pathologie du myocarde, notons
que la carence en sélénium, qui entre dans sa composition, provoque des changements
pathologiques dans le myocarde, en particulier l’hypertrophie et la nécrose focale
.
Si
l’on tient compte de la perturbation des processus de la respiration aérobie et
de la glycolyse sous l’influence du Cs-137 et du plomb, on peut affirmer que le
profil hormonal de la thyroïde est altéré chez les enfants de Gomel, étant donné
que la thyroxine, contrairement à la triiodothyronine, ne peut pas bloquer la
fabrication de l’hormone thyréotrope (par l’hypophyse) qui provoque la prolifération
de l’épithélium thyroïdien.
La
thyroxine a une grande influence sur les cellules du myocarde. Son action, tout
comme celle de la triiodothyronine, est dirigée vers les processus de phosphorylation
oxydative des rnitochondries, le transport
des ions.
La
thyroxine stimule la synthèse d’AMP par les cardiomyocytes, ce qui active l’entrée
des ions de calcium dans la cellule, dépendant des AMP et de la protéine kinase.
Un
surplus de calcium se crée dans la cellule, cela désorganise les structures des
myofibrilles parce que la synthèse du facteur de croissance et de l’hyperproduction
de collagène est renforcée. Au bout du compte, les chaînes lourdes et légères
de la myosine sont modifiées; cela conduit à l’hypertrophie du myocarde.
Le
calcium est un messager intracellulaire universel, car il prend part à pratiquement
tous les processus intracellulaires. La Ca-ATPase le fait entrer dans la cellule et l’expulse dans
l’espace extracellulaire.
Pour
évacuer le calcium de la cellule, il faut de l’énergie apportée par l’ATP; mais
sous l’influence du Cs-137, la production d’ATP est nettement diminuée. Une surcharge
en calcium apparaît dans le cardiomyocyte, ce qui crée les conditions pour un
arrêt du coeur dû à la contraction excessive des myofibrilles.
Cet
état, nous avons pu l’observer chez des habitants de l’oblast de Gomel atteints
de mort subite, ainsi qu’au cours d’expériences où nous injections du Cs-137 aux
animaux de laboratoire.
Les
hormones de la thyroïde exercent une influence directe sur les cellules des tissus
osseux par des récepteurs spécifiques (TR-alpha 1 et 2, TR-bêta 1 et 2), en particulier
sur les ostéoblastes (elle accélère leur différenciation). Mais quand la concentration dépasse les doses
physiologiques, elles sont capables d’inhiber la maturation des cellules précédant les ostéoblastes.
En stimulant la sécrétion de cytokine qui active les ostéoclastes, les hormones
de la thyroïde favorisent la résorption des os. Justement, lors de l’hyperthyroïdie,
l’échange osseux augmente à cause de l’accroissement de la quantité des ostéoclastes
et du fait que la corrélation entre les espaces de la résorption et les espaces
générateurs des os est perturbée; la surface de la matrice non minéralisée augmente.
Évidemment,
lors de ce processus, la teneur en calcium augmente dans le sang, ce que nous
avons nous aussi enregistré en examinant les enfants de la ville de Gomel (schéma
7).
Schéma 7
Teneur en calcium dans le sérum du
sang des enfants des villes de Gomel et de Grodno (mmol/l).
Une
forte teneur en calcium dans le sang peut être liée à la perturbation de la production
de la thyrocalcitonine sous l’influence du radiocésium et du plomb incorporés
par la glande thyroïde, mais aussi de l’hormone thyréotrope de l’hypophyse.
Une
forte teneur en calcium dans le sang active l’ATPase calcium
dépendante du sarcolemme, du réticulum sarcoplasmique et des mitochondries. Cela
fait augmenter le rythme de son absorption par les cardiomyocytes. Le déficit
énergétique des cardiomyocytes peut également être lié à la perturbation de la
production de créatine dans le foie. Ce métabolite se synthétise à partir des
acides aminés essentiels de l’arginine et de la méthionine,
ainsi que de la glycine. La créatinine entre librement dans les cellules, elle
se combine à un groupe phosphate pour former la créatinine phosphate. Celle-ci
a les propriétés d’un régulateur métabolique cellulaire
grâce auquel un lien se crée entre les sources d’énergie
(les mitochondries) et les structures où cette énergie est consommée (le réseau
cytoplasmique, l’appareil de Golgi, les lysosomes, etc.).
À l’aide d’une enzyme spécifique, la créatine phosphokinase, le transfert
du groupe phosphore sur les molécules d’ADP se réalise
dans les organelles, avec formation d’ATP. Le processus
inverse se réalise dans les mitochondries.
La
créatine phosphate en tant que source d’énergie ne peut exister librement que
dans le cytoplasme de la cellule. Dans les organelles, en dehors de la cellule,
il ne peut pas exister. Là, son rôle est accompli par les molécules d’ATP.
De
cette façon, n’importe quelle lésion des cellules du foie qui viendrait perturber
la synthèse de la créatine, conduirait au manque d’approvisionnement énergétique
des cellules de tout l’organisme et, en premier lieu, du coeur et du cerveau,
en particulier à l’accumulation des ions de calcium dans ces organes.
Le
système créatine phosphokinase est étroitement lié à la créatine en tant que substrat.
Dans le sang, une certaine dépendance s’installe entre la quantité de ces deux
composants. On estime que le niveau d’activité de la créatine phosphokinase est
le plus labile de tous les indices métaboliques, il reflète l’état de l’adaptation
physiologique de l’organisme.
Les recherches
en laboratoire menées sur des enfants de Gomel ont montré que dans leur sang,
il y a beaucoup moins de créatinine que dans celui des enfants de Grodno. Cela
indique l’existence d’un
problème dans le cycle énergétique (ATP/ADP) de l’organisme (schéma 8).
Schéma 8
Teneur en créatinine dans le sérum du sang des enfants
des villes de Gomel et de Grodno (mmol/l)
Le
radiocésium touche directement le système créatine kinase du cardiomyocyte: cela
a été démontré par nos recherches sur des animaux de laboratoire.
En
agissant sur les cellules du foie, le Cs-137 et le plomb perturbent les processus
synthétiques, ce qui se manifeste par une diminution de la
teneur en albumine et en cholestérol dans le sang (schémas
9 et 10). Sans aucun doute, cela a une influence négative sur l’échange des substances
dans les cardiomyocytes.
Schéma 9
Teneur en albumine dans le sérum du
sang des enfants des villes de Gomel et de Grodno (g/1)
Schéma
10
Teneur en cholestérol du sang des enfants des villes
de Gomel et de Grodno (mmol/l)
Le
cholestérol et la vitamine D (qui se forme de façon endogène à partir du cholestérol)
participent activement à l’ostéogenèse, en particulier à la formation et à la
minéralisation de la matière organique. Par conséquent, la diminution de ce métabolite
peut aussi être une cause de la teneur élevée en calcium dans le sang.
L’augmentation
dans le sang de l’alanine aminotransférase (ALAT) et de l’aspartate aminotransférase
(ASAT) chez les enfants de Gomel par rapport aux enfants de Grodno reflète le
déficit énergétique des cellules du coeur et du foie, et la destruction des structures
correspondantes (schémas 11 et 12).
Schéma 11
Activité
des ALT dans le sérum du sang des enfants des villes de Gome
et de Grodno (g/l)
Schéma
12
Activité des AST dans le sérum du sang
des enfants des villes de Gomel et de Grodno (IU/I)
De
cette façon, la conduction intracardiaque de l’impulsion électrique est perturbée
lorsque l’organisme incorpore du radiocésium et du plomb. La lésion du système
énergétique du myocarde est à la base de ce processus. Le déficit énergétique
qui apparaît est une cause des arythmies.
Notre
attention est attirée par la fréquence identique et assez élevée des perturbations
de l’ECG (le blocage des pieds du faisceau HIS) chez les enfants des deux groupes
lors d’une concentration initiale en radionucléide dans l’organisme de 11,0 à
26,9 Bq/kg. On a l’impression qu’une teneur relativement faible de Cs-137 dans
l’organisme de ces enfants induit la pathologie cardiaque que nous avons mentionnée
ci-dessus.
Bien entendu, nous ne parlons pas ici d’une quelconque action du rayonnement radioactif, consécutive
à la désintégration de la quantité de ce radionucléide, ni de l’effet toxique de l’élément chimique
lui-même.
Nous
avons plutôt affaire ici à l’introduction d’éléments chimiques dans des processus
d’importance vitale et, avant tout, dans les processus régulateurs.
Conclusion
Par
rapport à tout cela, je me permets de proposer l’hypothèse selon laquelle les
radionucléides de radiocésium perturbent les liens immunorégulateurs entre les
cellules du système immunitaire et de tous les autres organes assurant la stimulation
de l’activité de l’appareil génétique cellulaire. C’est particulièrement important
lorsqu’un gène de la paire allèle ne fonctionne pas. Pour que l’un ou l’autre
caractère soit correctement réalisé, il faut que le fonctionnement
du gène allèle restant soit renforcé. Le système immunitaire stimule leur activité
en produisant ce qu’on appelle les protéines régulatrices.
Le
radiocésium, par son influence sur les cellules du système immunitaire, perturbe
ce lien et permet ainsi la manifestation phénotypique de défauts génétiques cachés.
On peut présumer que les radionucléides interagissent
avec les récepteurs des protéines de la membrane cytoplasmique des cellules suppressives
thymodépendantes; par conséquent, ces dernières ne peuvent pas entrer en contact
avec les molécules des protéines fonctionnelles des cellules du tissu drainé,
qui arrivent par la lymphe. Pour cette raison, le système immunitaire n’apporte
plus assez de protéines régulatrices correspondantes au tissu. La synthèse des
protéines réceptrices, structurelles et de transport de la membrane cytoplasmique
des cardiomyocytes est perturbée. Les conditions pour l’altération
de la conduction de l’impulsion électrique dans le myocarde
sont réunies.
Outre le fait que le radiocésium bloque les
récepteurs des organes immunocompétents, nous pensons qu’il ne faut pas perdre
de vue que les processus régulateurs peuvent être avant tout perturbés par un
déficit énergétique.
Dans tous les cas,
l’introduction de radionucléides de Cs-137 dans l’organisme révèlent des défauts
génétiques par des maladies correspondantes. Par exemple le dérèglement du rythme
de l’activité cardiaque, les malformations congénitales multifactorielles. De
faibles doses de Cs-137 donnent lieu à une perturbation des liens régulateurs
dans l’organisme; elles détruisent les réactions compensatoires d’adaptation si
l’appareil génétique présente des défauts.
Lors de l’action prolongée des radionucléides
de Cs-137 et de plomb sur des organes et systèmes vitaux pour l’organisme de l’enfant,
les processus pathologiques suivants ont lieu
1. la destruction
du système mitochondrial, le cycle de Krebs (diminution de l’activité de la créatine
phosphokinase, diminution de la teneur en créatinine);
2. la perturbation
de la formation du glucose par le foie, comme une des sources d’énergie principale
du cardiomyocyte, la glycolyse;
3. la perturbation
des processus de dé iodation dans les tissus et l’augmentation de la teneur en
thyroxine dans le sang et les cellules, en exerçant une influence toxique sur
les mitochondries;
4. la diminution
de la production de cortisol, et par conséquent, l’impossibilité de mettre en
marche les processus de la formation nécessaire des acides gras libres, les substrats
essentiels du cycle de Krebs;
5. la perturbation de
la construction des structures membranaires des cardiomyocytes à cause du défaut
du matériel protéique et énergétique, en particulier le cholestérol;
6. la destruction des structures cellulaires et la mort des
cellules, ce dont témoigne le niveau élevé des enzymes ASAT et ALAT et les résultats
de recherches histologiques.
De cette façon, l’altération de
l’activité bioélectrique du muscle cardiaque est la conséquence de l’action d’une
série d’agents sur les cardiomyocytes et sur l’organisme, qui perturbent les échanges
énergétiques et la perméabilité ionique des membranes cytoplasmiques. La déficience
du génome joue un grand rôle, car elle est responsable dc la synthèse des protéines qui participent aux processus
de la perméabilité ionique des membranes, en particulier d’enzymes comme la K-Na-ATPase.
L’action
prolongée de fortes doses de Cs-137 et de plomb mène inévitablement au développement
de processus dystrophiques et nécrobiotiques dans le
myocarde.